SITUATION SOCIOPOLITIQUE : La Russie ne viendra pas sauver le Mali !

SITUATION SOCIOPOLITIQUE : La Russie ne viendra pas sauver le Mali !

28 septembre 2020 0 Par Mali Scoop

Le fait de demander à la Russie de venir secourir les Maliens sans souligner qu’il appartient d’abord et avant tout aux Maliens de se libérer eux-mêmes. Non pas qu’on ne puisse pas solliciter une aide quelconque d’un ami étranger (on a bien vu, dans le cas de la Syrie, que le régime dynastique des Assad n’a survécu que grâce à l’intervention de la Russie et de l’Iran et maints autres exemples peuvent être rappelés) mais l’esprit dans lequel on le fait ne doit pas être celui qui consiste à abandonner toute initiative et à s’en remettre aux autres pour son propre salut, car cela montrerait clairement que les Maliens sont dénués de toute capacité du sujet à s’autodéterminer ou même de toute fierté.

Il faut aussi souligner qu’il résulte de la volonté des dirigeants du Mali de créer chez leurs concitoyens une certaine fierté nationale et le réflexe de compter d’abord et avant tout sur eux-mêmes et non d’abandonner toute initiative historique pour remettre leur destin dans les mains des autres.

A cet égard, tout le monde se réjouit que les militaires aient chassé IBK du pouvoir, mais le tout n’est pas de chasser IBK. IBK parti, les problèmes du Mali restent entiers et personne jusqu’à présent, ni les militaires, ni les dirigeants de l’opposition n’a proposé des solutions convaincantes pour sortir le Mali de l’ornière, par exemple libérer les 60% du territoire occupés par divers groupes dont certains sont clairement sous la protection de la France (par exemple à Kidal).

Il ne faut pas qu’encore une fois cette « révolution » se limite tout juste à un changement de personnel politique. Il semble que la junte vienne d’appeler la Russie au secours et que les Maliens aient crié « Russie ! Russie ! » lors d’un grand rassemblement à Bamako. Les mêmes scènes de liesse honteuses ont accueilli le loup dans la bergerie quand les Français sont venus se présenter en sauveurs face aux groupes rebelles qu’ils ont eux-mêmes créés de toute pièce.

C’est donc une politique irréfléchie et à courte vue et les espoirs de ces Maliens qui cherchent des solutions de facilité seront nécessairement déçus : car Il y a de bonnes raisons de penser que la Russie ne viendra pas sauver le Mali : les Russes coopèrent aussi avec la France et l’Europe et en matière de relations internationales, il n’y a que les intérêts qui comptent.

Les Français peuvent très bien mettre dans la balance les intérêts de la Russie en France (et en Europe). On n’a pas besoin d’être grand clerc pour savoir que ceux (les intérêts) qu’ils ont au Mali ne pèsent rien à côté de ceux que la Russie a en Europe et en France. En conséquence, les Russes hésiteront certainement à sacrifier les intérêts qu’ils ont en France et en Europe contre ceux qu’ils ont au Mali. Ce n’est pas d’aujourd’hui que datent les tentatives des Maliens pour convaincre les Russes d’intervenir, mais ceux-ci sont restés très prudents jusqu’à présent et ont toujours répondu qu’ils voudraient bien, mais que cela risquerait de les faire entrer en conflit (pas nécessairement militaire, mais politique et diplomatique) avec la France. Ils ne tiennent pas à courir ce risque qui pourrait leur coûter cher.

Une entrée en scène ouverte de la Russie en Afrique risque de sérieusement bouleverser « les équilibres établis » (un euphémisme pour désigner l’ordre géopolitique international ou le partage d’influence planétaire entre grandes puissances) et c’est la Russie qui sera certainement condamnée par toutes les autres puissances pour avoir rompu une entente tacite. Les Russes ne voudront pas courir ce risque.

Une intervention militaire est coûteuse et toujours hasardeuse. Qu’est-ce que la Russie pourrait obtenir en contrepartie ? Car la question est, encore une fois, qu’est-ce que la Russie pourrait obtenir en contrepartie ? Il n’y a rien de désintéressé en matière diplomatique. Certes, la Russie pourrait en obtenir une grande popularité au Mali et en Afrique en général, mais cela braquerait nécessairement les autres puissances contre elle, les intérêts qu’elle a avec ces dernières sont certainement un million de fois plus importants que ceux qu’elle pourrait avoir avec le Mali.
Paul N’GUESSAN