Procès de l’Avion présidentiel et des équipements militaires : Que justice soit faite !
12 octobre 2024Depuis le 24 septembre 2024, la Cour d’Assises Spéciale du Mali est le théâtre d’un procès retentissant qui met en lumière l’un des plus grands scandales financiers de ces dernières années. Au cœur de cette affaire : l’achat controversé d’un avion présidentiel et d’équipements militaires, et l’implication présumée de hauts responsables de l’État.
C’est notamment l’ancienne ministre de l’Économie et des Finances, Bouaré Fily Sissoko et qui est au centre des débats. Accusée d’avoir joué un rôle clé dans cette affaire, elle a fermement clamé son innocence, affirmant que le dossier était déjà bouclé avant son arrivée au ministère. Une déclaration qui laisse entrevoir un vaste réseau de corruption impliquant peut-être d’autres personnalités politiques de premier plan, comme l’ancien ministre délégué Madani Touré et l’ancien Premier ministre Oumar Tatam Ly?
Au-delà du cas individuel de Bouaré Fily Sissoko, ce procès revêt une importance capitale pour l’avenir du Mali. Il s’agit d’un test crucial pour la justice malienne, appelée à démontrer sa capacité à lutter contre la corruption et à rendre des comptes aux citoyens. Les yeux du monde sont rivés sur Bamako, où se joue le destin de nombreux et autres responsables.
Les révélations de ce procès pourraient avoir des conséquences considérables sur la stabilité politique du Mali, déjà fragilisé par de nombreuses crises. Une perte de confiance dans les institutions pourrait entraîner une montée des tensions sociales et politiques. Par ailleurs, ce scandale pourrait avoir un impact négatif sur l’image du Mali à l’étranger et nuire à ses relations avec les partenaires internationaux.
Le procès de l’avion présidentiel est bien plus qu’une simple affaire judiciaire. C’est un combat pour la transparence, la bonne gouvernance et l’État de droit. Les Maliens attendent avec impatience le verdict de la justice, espérant que ce procès marquera un tournant dans la lutte contre la corruption et permettra de construire un avenir meilleur pour leur pays.
On ne va jamais se lasser de le répéter, il s’agit d’un dossier emblématique de la corruption reprochée à l’ancien régime et régulièrement invoquée par les nouvelles autorités arrivées au pouvoir lors d’un coup d’État en 2020.
L’achat d’un avion présidentiel pour des chiffres estimés à l’époque à près de 40 millions de dollars, ainsi que de matériel militaire à une société malienne, tous deux sans appel d’offres, avaient valu en 2014 au Mali des sanctions des institutions financières, notamment le gel pendant six mois des décaissements du Fonds monétaire international (FMI). Le montant des irrégularités supposés avait ensuite varié en fonction des sources.
L’ex-Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga, ministre de la Défense au moment des faits, ainsi que madame Bouaré Fily Sissoko, avaient été placés en détention en 2021 dans le cadre de cette affaire. Tous deux sont poursuivis pour atteinte aux biens publics et soupçonnés d’escroquerie, faux et favoritisme. Le premier est décédé en prison en mars 2023 après avoir plaidé dans la presse son innocence. Ses partisans avaient accusé le pouvoir de l’avoir laissé mourir en détention.
L’ancien directeur de cabinet de Feu IBK. Keïta, Mahamadou Camara, a également été placé en détention dans le cadre de cette affaire, comme d’autres anciens hauts responsables maliens qui sont jugés depuis près d’une semaine.
A l’ouverture du procès le 24 Septembre dernier, les avocats des accusés arguaient que certains témoins cruciaux n’avaient pu être interrogés et pour cause, il fallait l’autorisation de leur ministre de tutelle. Donc, pas besoin d’être un génie pour savoir qu’il y a d’autres fonctionnaires qui sont concernés par cette affaire. Leur témoignage pourrait peut-être bien innocenter. Même si, la présomption d’innocence est le principe qui doit habiter tout le monde.
Une chose est de les accuser et l’autre est de le prouver. A ce sujet, l’ancienne ministre a dit au cours de sa comparution devant les juges qu’elle n’avait été consultée que pour le décaissement. D’après elle, elle n’avait absolument pas pris part à la procédure en amont. Au juge de lui signifier que si elle n’avait été associée à la procédure elle devait donc ne pas décaisser les fonds. Pendant plusieurs heures, madame Bouaré Fily Sissoko s’est prêtée au jeu des questions réponses tout en clamant son innocence.
Après elle, c’était autour de l’ancien Directeur de Cabinet de Feu IBK à l’époque des faits, Mahmadou Camara de comparaitre devant les juges. Tout comme Mme Bouaré Fily Sissoko, lui aussi, pour résumer, a laissé entendre qu’il n’a fait qu’obéir à sa hiérarchie qui lui avait donné des directives pour l’achat de l’Avion présidentiel. En un mot, tous les deux ont été mis devant un fait accompli comme ils le prétendent. Pas plus tard qu’il y a deux jours c’était au tour du colonel-major, Nouhoum Dabitao qui était à la barre. L’Homme est revenu sur une rencontre privée au domicile de l’ancien ministre de la Défense, feu Soumeylou Boubèye Maïga, où il a rencontré pour la première fois le mandataire de la Présidence dans cette affaire, Mohamed Kagnasy, puisque, c’est de lui qu’il s’agit. Comme quoi, les révélations sont en cours et les juges pourront apprécier.
Il est important de rappeler que le début de ce procès avait été décalé à cause de l’attaque terroriste contre l’école de la gendarmerie de Bamako. Certains observateurs avaient alors estimé que cette attaque visait à aider certains accusés à s’évader. Vrai ou faux, le procès avait tout de même été reporté et maintenant il a bel et bien lieu.
Mais à en croire certains, c’est une chasse aux fantômes qui a été lancée contre les accusés. Parce que d’après eux, cette affaire avait été classée sans suite. L’on veut, disent-ils, soigner son image en apparaissant comme des lutteurs acharnés contre la corruption.
Des questions méritent donc à cet effet d’être posées : pourquoi rouvrir un dossier classé ? Y a-t-il eu de nouveaux éléments ? La suite du procès nous le dira.
Mais il faut dire pour finir que, depuis que les militaires sont au pouvoir, ils ont entamé un vaste toilettage qui vise d’après eux à lutter contre la corruption et les détournements de fonds. On comprend donc pourquoi depuis là les exilés se multiplient.
En tout cas, le procès est lancé et les accusés qui clament leur innocence doivent tout faire pour le prouver. Et la justice qui se veut partiale doit tout faire pour ne dire que le droit.
Le Point