NEGOCIATIONS AVEC «LES TERRORISTES » : Un duel entre Bamako et Paris
17 décembre 2020Faut-il négocier avec les groupes djihadistes qui contrôlent les 2/3 du territoire national dans les Régions du Nord et du Centre de notre pays? Longtemps taboue, la question ne fait désormais plus débat à Bamako, et l’Exécutif malien a dû s’y résoudre. Mais un obstacle de taille se dresse face à lui : la France, qui refuse catégoriquement cette option -du moins officiellement. Quitte à la saboter ?
Comme un disque rayé, le refrain des Ministres français qui se succèdent à Bamako depuis des années semble se répéter à l’infini. Il est assez simple, pour ne pas dire basique: «On ne négocie pas avec les terroristes ». Point.
En effet, la Ministre des Armées, Mme Florence Parly, l’a rappelé début novembre: «On ne peut pas dialoguer avec les groupes djihadistes qui n’ont pas renoncé au combat terroriste».
Avant elle, le Ministre des Affaires Etrangères, Jean-Yves Le Drian, avait été plus direct : « Disons les choses très clairement : il y a les Accords de paix […] et puis il y a les Groupes terroristes qui n’ont pas signé les Accords de paix […]. Les choses sont simples ».
Même l’ancien Président français, François Hollande, y est allé de son couplet, le 13 novembre 2020, sur France Inter : «Il faut être intraitable avec le terrorisme, mais il faut être aussi extrêmement ferme à l’égard du Pouvoir malien ». Et d’ajouter: «L’idée que l’on pourrait avoir des négociations avec ceux-là mêmes qu’on cherche à frapper me paraîtrait un manquement par rapport aux engagements qui avaient été pris au moment du départ de cette opération ».
Feint-il d’ignorer que l’opération Serval, qu’il avait déclenchée en toute hâte en janvier 2013, a été remplacée par l’Opération Barkhane ? Et que les missions de celle-ci sont différentes (du moins sur le papier), la réalité du terrain n’ayant rien à voir aujourd’hui avec celle qui prévalait d’il y a sept ans ?
La donne a également changé à Bamako. Durant plusieurs années, l’idée de nouer le dialogue avec les Chefs de certains de ces Groupes terroristes relevait du tabou. Seules quelques personnalités osaient l’évoquer, et, encore, avec des pincettes.
L’ancien Président malien, Ibrahim Boubacar Kéïta (IBK) y était pour sa part farouchement opposé. Mais, depuis près de quatre ans, le débat est engagé. Aujourd’hui, la posture intransigeante de la France entre en contradiction avec celle, beaucoup plus souple, du Gouvernement malien.
Face à Le Drian, Moctar Ouane, le Premier Ministre du Gouvernement de transition issu du coup d’État militaire du 18 août 2020 qui a abouti à la démission forcée d’IBK, ne s’est pas laissé intimider.
Évoquant une « opportunité d’engager une vaste discussion avec les communautés », cet ancien Diplomate a rappelé une évidence qui semble échapper aux Officiels français : ce n’est pas seulement l’Exécutif malien qui envisage de discuter avec les djihadistes, mais tout un pan de la société.
Paul N’GUESSAN