Manifeste de l’imam Dicko : Que faut-il comprendre ?

Manifeste de l’imam Dicko : Que faut-il comprendre ?

15 février 2021 0 Par Mali Scoop

l’influent leader religieux de Badalabougou semble avoir signé officiellement son retour fracassant sur la scène politique nationale. En tout cas, c’est sa première déclaration officielle sur l’état de la Nation depuis la chute du président IBK, le 18 août 2020. C’est du moins ce qui ressort du manifeste signé de notre Imam ayant inondé la toile en début de cette semaine. Une sortie renversante sur fond de scepticisme qui est en passe de remettre des frayeurs sur l’arène politique nationale.

Vu les vives préoccupations qui fusent de tous les côtés par rapport à l’état de la Nation sous la Transition en place depuis le renversement du Président Ibrahim Boubacar Kéïta, en août 2020, l’Imam Mahmoud Dicko annonce officiellement son retour sur l’échiquier sociopolitique national du Mali, pays, en pleine crise multidimensionnelle.
Ainsi, dès les premiers jours du renversement du Régime d’IBK sous l’égide du Colonel Assimi Koïta, l’Imam Mahmoud Dicko avait annoncé qu’il observerait une trêve politique. Il avait laissé entendre qu’il s’efface du terrain pour se retourner dans sa mosquée. Mais il avait précisé que c’est à la condition que la bonne gouvernance et la Démocratie soient une réalité dans la vie et les comportements de tous les jours des Maliens.
Dans son dernier manifeste, l’Imam Dicko ne s’est point félicité du bilan de mi-parcours du pays sous l’égide de l’actuelle Transition. Il y a même émis des réserves, des sérieux doutes par rapport à la donne politique du moment. Et il a exprimé ses craintes de voir la triste expérience de 2013 se répèter. Année à laquelle, selon lui, les Religieux ont transformé leurs maisons de culte en des QG de campagnes pour Ibrahim Boubacar Kéïta sur qui les Maliens fondaient beaucoup d’espoir mais les résultats ont été plus que décevants. Ouvertement, il vient d’avouer que son esprit est « tourmenté » en voyant « le sort du Mali » et celui de ses « concitoyens ». Il a émis des inquiétudes : « … mon âme affectée finit par déchirer mon cœur. Je ressens une tristesse infinie à la lumière de l’Islam, Religion de paix, de tolérance et expression d’une existence hors de modèles imposés par autrui ».
En tout cas, ici l’Imam Dicko a exprimé ses préoccupations pour le Mali au plan culturel, social et religieux puis il a mis un accent particulier sur la vie actuelle de la société malienne. Ce qui aura suscité des réactions et vifs commentaires et interprétations de tous genres sur les réseaux sociaux. Dans son manifeste, il soutient que, vu la richesse de nos valeurs islamiques et traditions ancestrales, il va combattre l’injustice qui est à base de l’ « impasse » totale dans laquelle se trouve le Mali aujourd’hui. «Le Mali est héritier des grands empires du Soudan Occidental. Nul n’est Prophète en son pays. Ma foi profonde en les valeurs d’un Islam de tolérance et d’amour patriotique continue de nourrir ma raison de vivre et mon discours public », a-t-il noté. Il a ensuite insisté sur son attachement à la bonne gouvernance, à la gestion équitable des ressources du pays et à l’unité nationale. « Je suis resté émerveillé par l’acte de dévotion vers l’autre et le courage du plaidoyer pour un Mali renaissant. Aussi, est-ce avec esprit de responsabilité que je considère la légitimité de la dynamique et du réveil du Peuple malien à travers les différentes manifestations populaires passées au cours de l’année 2020 », a-t-il expliqué. Mahmoud Dicko soutiendra aussi que c’est avec « gravité » qu’il observe les risques d’échec du combat de ce noble Peuple épris de paix et de justice pour une gouvernance vertueuse.
A l’adresse des autorités de la Transition, l’Imam Dicko demande qu’on accepte de : « vivre avec l’obsession de l’intérêt général de la lutte contre l’impunité et l’intolérance, en faveur de l’égalité face à la loi et dans l’accès des services publics ». Et il y va jusqu’à avouer que dans la vie nul n’est parfait. « Je me suis souvent trompé en soutenant des Hommes qui, guidés par des intérêts égoïstes et matérialistes, n’ont pas su incarner le redressement du Mali tant souhaité. J’ai cru, comme en 2013, qu’une participation forte à un projet électoral pourrait, à elle seule, porter l’espoir de résolution de nos problèmes de gouvernance politique et sociale. Je me suis trompé. Je le regrette sincèrement. Je veux porter ici la voix d’un nouvel élan d’émancipation, d’une urgence à agir, à penser haut et vrai, devant l’Histoire pour de nouveaux horizons, avec l’espoir que le génie malien entendra l’écho de cette voix et élèvera à mes côtés, en pèlerin, notre destinée. C’est un acte d’espoir et de paix. Je suis sans agenda caché, ni ambition personnelle ou intérêt partisan, mais je suis inquiet de ce feu qui embrase nos villes et nos campagnes, et qui pourrait, à terme, détruire ‘‘le Vivre ensemble’’ dans cette maison commune qu’est le Mali ». Il a reconnu les erreurs commises dans le passé. Ce, en portant à la tête du pays des Gouvernants incapables. C’est pour éviter aux Maliens de revivre avec ce triste système de Gouvernance. « La situation est périlleuse et j’ai conscience que convaincre nos concitoyens demeure aujourd’hui une exigence forte dans un Mali gangrené par la faiblesse de l’éducation, l’absence de perspective pour notre jeunesse, l’incivisme, la corruption endémique, les actes obscurantistes et les vendeurs d’illusions. Le tout sur fond de mal gouvernance », a-t-il encore regretté avant d’insister que, depuis le 18 août 2020, sa porte reste grandement ouverte et qu’il est à l’écoute de tous mais observe tout prudemment désormais.
A travers cette adresse à la nation, l’Imam Mahmoud Dicko lance à l’intention de la classe politique et de la Transition qu’au fond le sort du Mali reste encore préoccupante, la situation lui paraît trop grave pour qu’il garde silence. « Si nous ne réagissons pas maintenant, activement et collectivement, l’État qui nous gouverne n’a plus de sens. Il faut sauver le pays. Nous devons agir sans relâche avec les forces vives de la Nation pour la restauration de l’autorité de l’Etat. Pour ce faire, je m’engage, librement, à me rendre partout où je peux être utile, là où nos citoyens se sentent abandonnés. Je m’engage à favoriser le dialogue entre tous pour nous réconcilier. Je m’engage à bâtir des passerelles d’échange entre les acteurs civils et armés, pour remettre au cœur des préoccupations, le vivre ensemble et la confiance entre les communautés », a-t-il déclaré ouvertement. Mais est-il vrai, sincère que l’Imam Dicko se battra à nouveau au nom de la paix, de la fraternité, de l’unité nationale ? Certes, il a inscrit son ‘‘Manifeste dans la lutte pour la refondation du Mali ; mais, est-il sincère ? N’a-t-il pas un agenda caché dans la perspective de Koulouba 2022 ? Voilà tant de gros points d’interrogations que se font les observateurs avertis de la scène sociopolitique malienne.
Dans la chute de son fameux ‘‘Manifeste pour la refondation du Mali’’, le leader religieux, l’ex-autorité morale de la classe politique malienne regroupée autour du M5-rfp, s’est engagé à soutenir toute initiative pour le Bien-être de la jeunesse malienne. « Je m’engage à contribuer à la construction d’un nouveau pacte républicain entre tous les acteurs maliens. Il s’agit là d’un appel à un élan de croyance en l’avenir. C’est le chemin que je veux emprunter dorénavant. Je ne souhaite aucun projet de société autre que celui que les Maliens veulent pour eux-mêmes. Je suis à vos côtés », a-t-il martelé avant de se passer pour leader voué pour le concret, le pragmatisme ; à savoir, soutiendra-t-il au finish, qu’il ne s’agira plus de parler seulement de paix. « Mais, il faut y croire et il ne s’agit pas simplement d’y croire, mais, il faut la construire». Ce qui atteste que l’Imam Dicko signe son retour sur le front politique.
Habib Diallo