Lutte contre la corruption : La désillusion de trop

Lutte contre la corruption : La désillusion de trop

7 décembre 2021 0 Par Mali Scoop

La lutte contre la corruption est certainement l’un des trois dossiers sur lesquelles l’actuelle transition sera jugée ; les deux autres étant la refondation de l’Etat (devant aboutir à des élections crédibles) et la sécurité.

Sur le premier point, à savoir la lutte contre la délinquance financière, on ne se fera plus d’illusions, rien ne va changer, comme ce fut le cas sous les chefs d’Etat précédents. Alpha a essayé, en faisant arrêter un certain nombre de PDG, mais au bout du compte, les juges lui ont démontré que c’étaient eux qui décidaient. Après lui, il y a eu des dossiers scandaleux comme celui du Fonds mondial qui mettait notamment en cause l’ancien ministre de la Santé, Oumar I. Touré. Comme toujours, un non-lieu malgré des faits accablants pour le  commun des mortels. Mais le non-lieu pour BakaryTogola est celui qui aura mis fin à l’espoir suscité ces derniers mois sur le tableau de la lutte contre la corruption.

C’est d’autant décevant que c’est malheureusement sur ce seul terrain que la transition cristallise l’adhésion de la masse populaire. Qui devra visiblement patienter encore longtemps, avant de trouver son héros, son sauveur. En attendant, ce qui est véritablement réprimé, ce sont les critiques à l’endroit de la justice. Hélas, la « révolution » de mars 91 n’y fera rien ; c’est comme ça. Les deux syndicats de la justice se sont mis ensemble pour traduire en justice tous ceux qui ont le « culot » de donner leur opinion défavorable à la justice. Quelque chose que les Maliens n’avaient pas vu même sous le régime dit dictatorial du général Moussa Traoré. Le drame est que tout le monde semble se conformer à cette nouvelle forme de dictature qui ne dit pas son nom. Ce ne sont pas les décideurs qui vont dire le contraire, eux qui, pour bon nombre d’entre eux, ont quelque chose à se reprocher. Alors motus, bouche cousue. Sinon…Avec une pile de dossiers dormant dans des tiroirs, les magistrats ont certainement une longueur d’avance sur eux. Pauvre Mali ! Peut-être vaudrait-il mieux ne plus gaspiller une fois de plus l’argent du contribuable dans l’organisation d’assises dont l’issue est prévisible !

Outre le dossier de la justice, le front sécuritaire traduit, en tout cas jusque-là, une autre grande désillusion des Maliens. Comment comprendre que les militaires soient au pouvoir, disposent de tous les moyens de l’Etat, décident ce qu’ils veulent, et que l’on assiste pendant longtemps au siège de nombreux villages, à la fermeture de plus d’un millier d’écoles, au saccage des récoltes de pauvres présents ? Comment ne pas comprendre la complainte de cet habitant de Bandiagara : « Quand on nous attaque, on les appelle (les militaires), mais ils ne viennent jamais, sinon après que le mal a été fait. Il y des choses qui se passent, qu’on ne voyait même pas sous IBK. C’est à se demander si les militaires veulent que le problème soit résolu… » ? Le changement de cap vers la Russie est salué par la quasi-totalité des Maliens, mais les choses bougent à peine, au point de susciter de nombreux autres questionnements ? Est-ce un énième bluff ? Est-ce une manœuvre dilatoire pour s’éterniser au pouvoir ? Dans tous les cas, sur ce point, la transition aura marqué un point important, celui d’oser dénoncer l’impérialisme français et  montrer que des alternatives existent toujours.

S’agissant de la refondation de l’Etat, il ne fait aucun doute que c’est une entreprise nécessaire voire indispensable, étant donné que, cela a été le cas par le passé, il y a peu de chance que le pouvoir en place, hanté par sa réélection ou celle de son entourage, ose franchir le pas, en initiant des réformes qui, par endroits, pourraient paraître douloureuses. Mais là aussi, les choses traînent. Pour reprendre le très brillant Modibo Sanogo de Renouveau radio-TV : « On ne parviendra jamais à réunir tout le monde. Ceux qui s’agitent, ce sont pour la plupart des nostalgiques du régime déchu, qui ont pourtant entrepris les mêmes réformes. Alors, si sincèrement c’est pour le Mali, il faut foncer », dit en substance l’animateur chez lequel la fibre patriotique est, on ne peut plus, perceptible ; et ce, depuis radio Benkan où il animait aussi, en vrai poète naturel du bamanakan, la Revue de presse.

Faudrait-il pour autant perdre tout espoir ? Certainement pas, tant qu’il y a la vie, il y a l’espoir, dit-on. Peut-être sommes-nous en train d’approcher le fond du trou (comme au Rwanda) ! En effet, disent certains observateurs, pessimistes ou réalistes, c’est selon, il faut toucher le fond du trou pour espérer en sortir. Les plus pessimistes disent que nous ne faisons que commencer la descente aux enfers. Autrement dit, le bout du tunnel paraît très loin, pour ne serait-ce qu’entrevoir la lumière. La logique de leur analyse vient notamment de tous ces « combats » inutiles voire indécents qu’on se livre à Bamako, pendant que nos pauvres parents de l’intérieur se font tuer comme des mouches, ne peuvent même se rendre dans leurs champs ou avoir l’immense bonheur de voir revenir leurs enfants de l’école. Il faut l’admettre, on est tombé trop bas. « C’est ça le Maliba ! ». Difficile de ne pas se rappeler en 2012 les pleurs de cette Maliano-guinéenne sur une antenne de la place (radio Nièta) lorsque les deux tiers du territoire national avaient été occupés (ils le sont d’ailleurs encore, voir plus) par des terroristes, presque sans combat, hormis le sacrifice de quelques dignes Fils de la nation qui avaient préféré la mort à la honte.

Le hic, c’est qu’on n’entend presque plus le MNLA dont les dirigeants continuent de vivre allègrement, dans le confort, sur le dos de l’Etat. Ce sont eux, avec l’aide de la France, qui nous ont imposé cette sale guerre interminable. Aujourd’hui, ironie du sort, Kidal est un havre de paix par rapport au reste du pays. Il est désormais atteint, l’’objectif de la France, qui voulait nous créer d’autres problèmes de nature à nous faire oublier Kidal et les ‘’amis de la France’’ (‘’Les Touareg sont nos amis ;’’propos de Jean Yves-Le-Drian, actuel ministre des Affaires étrangères français). Et c’est le même ministre qui demande à l’Union européenne de suivre la CEDEAO dans ses sanctions contre les responsables de la transition. Sur ce point d’ailleurs de la CEDEAO, il n’y a pas à tergiverser, il faut laisser faire tant que les réformes annoncées sont dans l’intérêt du peuple malien, et non dans l’intérêt des seuls dirigeants.

Pour terminer, avec les manifestations récentes au Burkina Faso, puis au Niger contre des convois militaires, les autorités françaises devraient humblement se rendre à l’évidence que les peuples africains ne sont pas dupes, contrairement à leurs dirigeants plutôt guidés, en général, par leurs seuls intérêts. Quant au président nigérien qui fait tout pour agacer les Maliens, son peuple lui a démontré qu’il n’est guère en phase avec lui. Sa position se comprend d’ailleurs, tout comme celle de ses autres homologues de la CEDEAO (sous-filtres complexés de l’ancienne puissance coloniale) qui se disent que les succès militaires potentiels avec l’aide de la Russie (si jamais cela se concrétisait) ne feraient que déplacer le mal vers eux. Une raison de plus qui montre que ce qui ne plaît pas à la France devrait nous être favorable. A méditer !

La Rédaction