L’IMAN MAHMOUD DICKO DEGAINE: Choguel K. Maïga ‘’lâché en plein vol’’ par le M5RFP !
4 juin 2022« La communauté internationale est dans son orgueil, nous, nous sommes dans notre arrogance et le peuple malien est en train de mourir. » Au forum de Bamako, l’un des colloques les plus importants en Afrique, l’imam Dicko, à travers ces propos, a fait un retour remarquable sur le devant de la scène et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il garde encore le verbe incisif.
Avec pour thème « Femmes, paix et sécurité en Afrique », le religieux réagit, micro à la main :« De quelle paix parlons-nous ? De quelle sécurité parlons-nous ? Dans cette situation où, […] le peuple malien meurt à petit feu ? » Devant tout un parterre d’invités, Mahmoud Dicko ne feint pas d’adresser ses critiques aux militaires au pouvoir et à la communauté internationale, responsables selon lui du dépérissement de son pays.
Après cette sortie de l’Iman, le 28 mai dernier, s’est tenue à Bamako, une conférence de presse de plusieurs associations politiques, membres du M5, mouvement politique dont le président du Comité stratégique est Choguel Maïga, l’actuel Premier ministre malien. A cette occasion, l’action de la transition a été passée au peigne fin. L’on peut d’abord s’arrêter un instant pour évoquer ce que les conférenciers considèrent comme point positif dans la gouvernance du régime d’Assimi Goïta.
Ce point positif, selon le M5, est la « nette amélioration de la situation sécuritaire ». Et pour cela, le mouvement qui a été à l’origine de la chute d’Ibrahim Boubacar Keïta, a dressé des lauriers aux forces armées maliennes. L’on peut se joindre au M5 pour reconnaître et saluer la montée en puissance des forces armées maliennes dans la lutte contre les terroristes. Les statistiques, en effet, données par Bamako dans ce domaine, pour autant qu’elles soient conformes à la réalité, peuvent effectivement justifier cette appréciation. En dehors de cette seule éclaircie dont s’est réjoui le M5, tous les autres aspects de la gouvernance de la transition ont été peints en noir.
Et le principal responsable de cette situation, selon les conférenciers, est l’actuel Premier ministre, Choguel Maïga. De ce point de vue, le M5 exige la démission de ce dernier. Une pétition a été initiée à cet effet. Daba Diallo, porte-parole des pétitionnaires, s’est livré à un violent réquisitoire contre lui, en ces termes : « Aujourd’hui, nous estimons que le combat du M5 est détourné et que Choguel Maïga ne va pas rester Premier ministre et président du Comité stratégique en même temps. Vraiment, la situation est telle que nous avons décidé de sortir de notre réserve et de dire la vérité aux Maliens ».
On peut donc dire que Choguel Maïga a été « lâché en plein vol » par ses anciens camarades. Cette expression, on se rappelle, a été employée par le même Choguel Maïga pour caractériser l’attitude de la France vis-à-vis du Mali, lorsque Paris avait décidé de redéployer Barkhane au Niger. Cette sortie musclée du M5, contre l’actuel Premier ministre, est loin d’être un fait spontané. On se souvient, en effet, qu’une motion de défiance avait été envisagée contre lui par des députés de la transition. Au- delà de Choguel Maïga, c’est toute la transition qui est aujourd’hui dans le collimateur des partisans de l’Imam Mahmoud Dicko.
Ils dénoncent avoir été écartés des concertations et accusent les autorités de « clanisme ». Si l’imam a précisé n’appeler ni à manifester ni à renverser le pouvoir actuel, des membres du M5 réclament la démission de Choguel Maïga du poste de Premier ministre. Après avoir réclamé plus de démocratie dans les rues pendant des mois, le Mali fait une fois de plus face à une machine politique grippée qui peine à reprendre pied. Une situation qui vaudra à l’imam de s’exprimer à l’occasion lors d’une conférence de presse fin novembre 2021 : « Je ne peux pas me taire sur la gestion actuelle du pays, j’ai été acteur du changement, des gens sont morts devant ma porte et devant ma mosquée. Je ne peux pas rester en dehors de la suite, a-t-il déclaré. On ne s’entend pas entre nous, on n’est pas avec le reste du monde. Il faut qu’on se donne la main sinon le pays n’est pas sur la bonne voie ».
La guerre qui était larvée entre l’Imam et les militaires, est devenue aujourd’hui ouverte. Et l’on peut se permettre de saluer la témérité de Mahmoud Dicko. Car, il est l’une des rares personnalités du Mali qui peut encore dit haut ce que les autres disent bas. Des Maliens ont fait moins que cela. Mais ils en ont payé le prix fort. Les plus chanceux ont pu traverser la frontière pour prendre le chemin de l’exil. Les moins chanceux croupissent aujourd’hui en prison. Tous ont été accusés, à tort ou à raison, de rouler pour la France. En réalité, toutes les voix discordantes ont été étouffées aujourd’hui à Bamako. Poussera-t-on la paranoïa au point de considérer aussi Mahmoud Dicko comme un valet local de l’impérialisme français après les propos critiques qu’il vient de tenir contre la junte ? Affaire à suivre…
Le Point