Les plaies du régime de Faure Gnassingbé

Les plaies du régime de Faure Gnassingbé

27 mai 2022 0 Par Mali Scoop

Tous les systèmes totalitaires, pour se mettre en place, se sont toujours réclamés du bonheur du peuple » (Dr Jacques Desmeules)

Le parti État UNIR a célébré le 14 avril 2022, ses 10 ans d’existence et par la même occasion les 55 ans de chape de plomb sur le Togo. Ce que d’aucuns considèrent comme une malédiction pour les Togolais. Il y a 10 ans, en effet, l’ancien parti unique, le Rassemblement du peuple togolais (RPT) créé par le père Gnassingbé et qui a dominé exagérément le Togo dans tous les domaines pendant 44 ans et dont le passif devenant trop lourd, s’est mué en Union pour la République (UNIR) porté par le fils pour mieux régner.
A l’occasion de cet anniversaire, les membres de l’ancien nouveau parti unique, se sont gargarisés d’avoir imprimé une nouvelle dynamique au pays, et d’avoir réalisé des progrès sur tous les plans. En réalité, il n’en est rien.
Il est vrai, le parti État a fait sa mue, il a changé de nom, mais dans les faits, les méthodes, elles, n’ont pas changé. UNIR charrie les mêmes pratiques hideuses décriées sous le père. UNIR fait même parfois pire. Le nouveau parti présidentiel s’est approprié les mauvaises pratiques qui ont sinistrement illustré l’existence du RPT. Le père avait usé de tous les moyens pour ne pas perdre le pouvoir d’Etat. Le fils s’inscrit dans la même lancée et se donne les moyens pour régner indéfiniment.
La terreur, la violence, la corruption, le pillage, le détournement des deniers publics, la patrimonialisation de l’Etat sont érigés en mode de gouvernance. Les tripatouillages constitutionnels, les fraudes électorales, les coups de force permanents, le présidentialisme à vie et dynastique, la mal gouvernance chronique, le népotisme etc. demeurent l’ADN, le fil rouge du parti UNIR.
Le Togo, sous le père et sous le fils, est un concentré de tous les maux. En 10 ans du parti UNIR et en 17 ans de Faure Gnassingbé, des coups de canif ont été portés à la loi fondamentale plus que le père ne l’avait fait en 40 ans de règne.
Aujourd’hui, le fils a militarisé son pouvoir largement plus que son père ne l’avait fait en quatre décennies de règne. Aujourd’hui encore, il a endetté le Togo bien plus gravement que son père
Sous le père, la gabegie, la prédation, la gestion patrimoniale étaient de haut vol. Mais avec le fils, le Togo est nobélisé dans la corruption et les détournements de deniers publics. Comme l’admettait Faure Gnassingbé lui-même qu’une minorité dans ses rangs a fait mains basses sur les richesses et ressources du pays.
« Lorsque le plus petit nombre accapare les ressources au détriment du plus grand nombre, alors s’instaure un déséquilibre nuisible qui menace jusqu’en ses tréfonds la démocratie et le progrès », avouait Faure Gnassingbé il y a dix ans. Un diagnostic qui n’a malheureusement pas été suivi d’actes. La loi fixant les conditions de déclaration des biens et avoirs des hautes personnalités par exemple, votée depuis des lustres -un rempart contre l’enrichissement illicite- n’a toujours pas connu un début d’application. Et la corruption et les pillages économiques des deniers publics continuent de fleurir de plus belle dans les plates-bandes du régime.
Au pouvoir depuis 17 ans, Faure Gnassingbé n’a pas construit un seul hôpital au bénéfice des Togolais. Il n’y a même pas un seul scanner opérationnel dans les hôpitaux publics. Pourtant à en croire le « sage » Charles KondiAgba, le Togo aurait « fait énormément de progrès ces dernières années sur tous les plans ». Dont acte.

Une gouvernance de prestidigitation
« Quand on vise la médiocrité, c’est elle qui vous atteint » (Grégoire Lacroix)

Le gouvernement a institué, depuis 2019, un conseil des ministres tournant. Ainsi les réunions périodiques entre Faure Gnassingbé et ses ministres sont délocalisées dans les villes de l’intérieur du pays. Pour cette année, après Gando (Oti-Sud), Mandouri (Kpendjal), Kara (Kozah), le gouvernement a débarqué hier jeudi à Cinkassé dans l’extrême nord du pays où s’est tenu le conseil des ministres. Un principe qui, dit-on, s’inscrit dans une politique de proximité avec les populations.
La ville de Cinkassé manquant cruellement d’infrastructures et d’équipements pour accueillir les membres du gouvernement, une tente climatisée a été dressée pour abriter la réunion. Tout comme à Gando, Mandouri ou dans les autres localités précédemment. Hormis Lomé la capitale et Kara, les autres villes à l’intérieur du pays souffrent d’un manque criard d’infrastructures de base. En clair, dans toutes les autres localités où seront délocalisées dorénavant ces assises, pour des motifs de confort du chef de l’Etat et de ses ministres, le gouvernement devra donc assurer le transport et l’implantation des tentes climatisées ainsi que le mobilier y afférent. On peut imaginer ce que ces réunions ministérielles peuvent coûter aux contribuables en termes de dépenses.
Par ces temps de crise économique et de vie chère où les populations, surtout celles de l’intérieur vivent dans un dénuement total, logiquement, des voix s’élèvent pour dénoncer le gaspillage de l’argent public pour le confort d’une journée. Des fonds qui, estime-t-on, auraient pu être dépensés pour le bien-être des contribuables ou qui auraient pu servir à réhabiliter les centres de santé, les écoles, construire des centres de loisir, des bibliothèques dans ces localités.
Ces conseils des ministres organisées sous des tentes dénotent de l’échec patent du régime de Faure Gnassingbé à doter les villes de l’intérieur en infrastructures d’accueil. Le Togo célèbre, le mercredi 27 avril prochain, le 62ème anniversaire de son accession à la souveraineté internationale. Après plus de 60 ans d’indépendance et 55 ans de règne de la famille Gnassingbé, il est malheureux de constater que les villes ne disposent pas d’équipements pour accueillir les membres du gouvernement. Notre pays souffre en effet d’un énorme déficit d’infrastructures et d’équipements. Les rares bâtiments qui existent sont dans un état particulièrement désolant. Pour ne pas se couvrir de honte, on a soigneusement évité les bâtiments crasseux pour des tentes climatisées.
A son avènement au pouvoir en 2005, Faure Gnassingbé avait décidé de réhabiliter la fête de l’indépendance qui avait été longtemps délaissée au profit du 13 janvier qui marque la date anniversaire de la prise du pouvoir par son père. Pour ce faire, il a été institué que cette fête soit célébrée de manière rotative dans les principales villes du pays. Chaque année, une ville serait choisie pour abriter les festivités. L’expérience avait démarré avec la ville de Dapaong à 600 km de Lomé qui avait eu le privilège d’accueillir, en 2007, le 47ème anniversaire. L’idée était de permettre aux populations de l’intérieur de participer directement à l’évènement. Mais c’était aussi l’occasion pour le régime qui était fort décrié de sceller la réconciliation des Togolais.
La fête avait mobilisé du monde dans cette ville. Faure Gnassingbé, les membres du gouvernement et diverses personnalités étrangères y étaient. Mais les organisateurs se sont vite rendu compte des limites de cette délocalisation, la ville ne disposant pas d’infrastructures hôtelières et d’accueil pour abriter tout le monde. Les accompagnateurs et invités ont dû se débrouiller, certains ont passé la nuit à la belle étoile.
Depuis, l’expérience n’a plus été renouvelée. Malheureusement, le régime n’a pas pensé à doter les villes de l’intérieur d’infrastructures et aujourd’hui Faure Gnassingbé et ses ministres sont obligés de se comporter comme des nommades : tenir les conseils des ministres dans des tentes climatisées avec toute la logistique dans des localités qui n’ont pas d’eau courante, ni électricité, ni aires aménagées.

Dr Jacques Desmeules