Grève illimitée à l’IUG : « La mort programmée » d’un joyau !

Grève illimitée à l’IUG : « La mort programmée » d’un joyau !

17 septembre 2021 0 Par Mali Scoop

L’Institut universitaire de gestion est en grève illimitée depuis ce lundi, et ce, on peut le dire, pour la énième fois ces dernières années. La raison reste la même comme pour les débrayages précédents, à savoir la non application des multiples procès-verbaux de conciliation portant essentiellement sur le paiement d’heures supplémentaires et l’autonomie de l’établissement. « On nous fait signer chaque fois des PV pour ne jamais les appliquer, dans le seul but de gagner du temps », s’indigne une source proche des enseignants. L’arrivée du Pr Amadou Keïta, enseignant de son état, avait suscité beaucoup d’espoir, d’autant plus qu’il avait relevé celui qui est considéré comme « le plus grand fossoyeur de l’IUG », en l’occurrence Dr Badra Macalou ; lequel, malgré deux plaintes « solides » auprès du Pôle économique, n’a jamais été inquiété ; et beaucoup se demandent « comment ?».
Outre la mise à l’écart de Macalou, le ministre Keïta s’était engagé à tout mettre en œuvre pour sauver l’IUG. Il avait donné son accord de principe pour l’autonomie de l’établissement, principale revendication des deux syndicats, Snesup et Snec, estimant qu’il ne voyait pas d’inconvénient à ce que ceux-là qui génèrent l’argent disposent en toute légalité de leur quote-part que « le recteur Pr Balla Diarra, sous l’influence calculatrice de son financier Traoré, ne veut lâcher pour rien au monde », explique-t-on. En effet, le nœud du problème, ce sont des centaines de millions que l’IUG génère par an, mais qu’ « une poignée de personnes se partagent allègrement au détriment des véritables acteurs », dénoncent les enseignants. Ces ressources de l’IUG seraient aussi l’occasion de détourner de l’argent, « en utilisant deux fonds pour le même chapitre budgétaire ». C’est ce qui serait arrivé dans la construction de la bibliothèque de l’USSGB (Université des sciences sociales et de gestion de Bamako) que l’IUG abrite, et qui aurait été financée doublement par le budget d’Etat et des fonds propres de l’IUG. Vrai ou faux, les syndicalistes semblent davantage bien fondés d’autant plus que toutes leurs demandes d’audit des fonds de l’établissement n’ont jamais été satisfaites. Et pour cause…
A l’IUG, on est convaincu d’une chose, « l’école est au cœur d’un vaste complot vicieux, avec des complicités à plusieurs niveaux, aussi bien au sein de promoteurs d’écoles concurrentes que de fonctionnaires véreux, actionnaires ou complices intéressés de ces promoteurs ».
Le cri de cœur d’une ancienne pensionnaire ignoré par le ministre ?
« Lors d’une rencontre, j’ai été interpellé par une diplômée de l’IUG qui m’a prié de tout faire pour sauver cette école qui l’a formée. Ladite diplômée s’exprimait très bien. Et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour sauver l’IUG… » – Voici ce que disait, en substance, le professeur A. Keïta, quand il avait rencontré des syndicalistes de l’IUG, aux premières semaines de sa prise de fonction. Ces propos avaient suscité beaucoup d’espoir, d’autant plus qu’ils avaient été suivis de la révocation de Macalou, dont le départ a été bien arrosé par l’ensemble des travailleurs. Mais depuis, beaucoup d’eau a coulé sous le pont ; les enseignants ont, depuis, plus d’interrogations que de réponses : « Pourquoi tout ce temps pour mettre en application les engagements verbaux qu’il a pris, notamment la mise à disposition de l’école de sa quote-part conformément aux textes ? La mafia serait-elle parvenue à le dévier de ses engagements ?… » Autant de questions que les enseignants de l’IUG se posent désormais, mais qui disent avoir perçu une première indication, à savoir que le ministre, « à sa nomination, s’est rendu presque dans tous les établissements d’Enseignement supérieur, sauf à l’IUG, pourtant enlisé dans des problèmes récurrents. Cela en dit long sur son brusque changement qui n’est pas loin d’un revirement… ». Quelques-uns se veulent optimistes cependant, et voudraient continuer d’accorder au ministre lé bénéfice du doute, espérant qu’il est toujours en fonction et qu’ « il n’est jamais trop tard pour bien faire », comme dit l’adage.
Des effets concrets de la crise
Oui, « mieux vaut tard que jamais », mais il urge de faire en sorte que ce ne soit pas « le médecin après la mort ». En effet, pour la première peut-être de son existence, l’IUG aura enregistré en cours du soir son plus faible niveau d’inscriptions. Et cela, dit-on, ce n’est pas le fruit du hasard. Les grèves récurrentes, le statut de base de l’AEEM avec tous les clichés de violence, l’état de plus en plus délabré des infrastructures (malgré les centaines de millions qu’il génère par an et qu’il est l’établissement public qui pourvoie le plus de ressources propres), etc., ne sont pas de nature à attirer la foule dans un contexte de plus en plus concurrentiel, malgré la qualité meilleure de son enseignement. Le plus grave, c’est que le rectorat, « toujours dans le but de tuer l’école, ne délivre à la fois qu’une cinquantaine de bons d’inscription. Quand cela finit, il faudra formuler une nouvelle demande. Entre temps, beaucoup de candidats, las de faire des va-et-vient pour manque de simples reçus et par peur de ne pas utiliser l’argent à d’autres fins, se résolvent à prendre une autre destination, une autre école privée. Satisfaisant ainsi indirectement l’objectif sournois et inavoué de fonctionnaires malhonnêtes », se complaint un enseignant. Qui ajoute que, malgré le départ de Macalou qui avait volontairement mis fin aux cours délocalisés afin peut-être de mieux profiter des véhicules achetés pour ce faire, ces cours sont toujours à l’arrêt. Le nouveau directeur de l’IUG, Dr Fané, juste-là bien adopté par les enseignants, voudrait faire bouger le mur de béton, mais il manque de Caterpillar ; lui qui avait déposé une lettre de démission moins d’un mois après sa prise de fonction, ayant compris que, visiblement, il ne parviendrait à rien à cause des nombreuses entraves, dont la mainmise du rectorat. Mais sa démission avait été refusée par le ministre, d’autant plus que, une fois n’est pas coutume, les syndicalistes avaient adressé une lettre de protestation et exigé le maintien du nouveau directeur qui, « depuis sa prise de fonction, avait adopté le principe de dialogue avec tous les acteurs concernés pour toutes les questions essentielles ; contrairement à un Macalou qui s’était plutôt constitué une administration parallèle, un bureau occulte constitué d’une certaine catégorie professionnelle et sociale », confie un enseignant. Allez savoir !
Par ailleurs, les mêmes autorités ont autorisé la FSEG (Faculté des sciences économiques et de gestion), qui relève de la même université (USSGB) à former dans la plupart des disciplines déjà présentes à l’IUG, faisant désormais des deux écoles, de farouches rivales. Et la FSEG proposerait « un tarif largement inférieur à ceux pratiqués à l’IUG, même à perte, dans le seul but de coopter des auditeurs de l’UFP (Unité de formation et de production-Cours du soir) et lui faire perdre à l’avenir des candidats potentiels ». Bref, l’IUG semble être désormais entre les tentacules d’une pieuvre tueuse. Les enseignants auront-ils les ressources nécessaires pour éviter le naufrage annoncé du Titanic? Rien n’est moins sûr tant la complicité est « multiforme et surtout haut placée », d’après des enseignants.
Un messie ?
L’optimisme n’est plus tellement de mise à l’IUG. « La mort programmée » semble se dérouler selon un calendrier machiavélique bien rôdé. Mais « sans espoir, pas de vie », dit-on. Et lorsqu’on a passé presque toute sa carrière dans un endroit, il se crée un lien fort, comme une fibre maternelle entre une mère et son enfant. C’est peut-être, espère-t-on en tout cas, la lueur qui pourrait jaillir du côté du professeur Singaré, actuellement directeur de cabinet du Premier ministre, Dr Choguel K. Maîga. Illustre ancien directeur de l’IUG des belles heures et des illusions perdues, le Pr Singaré, selon des syndicalistes, voudrait tout faire pour éviter cette « mort programmée » du joyau que lui et bien d’autres personnes (dont certaines ne sont plus de ce monde) ont mis tant d’amour et d’énergie à bâtir. Réussira-t-il à sauver les meubles ? « Si lui échoue, je ne serai pas loin de perdre tout espoir », souligne un enseignant, convaincu que, pour reprendre l’auteur, « la seule chose qui permet au mal de triompher est l’inaction des hommes de bien ». Il faut seulement espérer qu’il en reste encore dans ce pays meurtri, « des hommes bien ». A méditer.
La Rédaction