Face à la crise scolaire : Que pourra la Transition aussi ?

Face à la crise scolaire : Que pourra la Transition aussi ?

5 novembre 2020 0 Par Mali Scoop

Les circonstances connues de tous ont contribué à gangréner la crise scolaire malienne, la rendre compliquée et quasiment immaitrisable. Cela, avec comme principale conséquence fâcheuse le sentiment généralisé selon lequel le système éducatif malien ne produit sur le marché que des produits médiocres. Ce qui fera que les acteurs et les intervenants dans le secteur sont chargés soit des tâches mal définies ou investis des pouvoirs ambigus. Les décideurs politiques, les enseignants, les parents d’élèves, les autorités scolaires ; bref, tous les partenaires de l’école malienne ne savent plus intérieurement à quel saint se vouer.

A l’école publique, ce sont fraudes et mimétismes à travers lesquels la baisse de niveau trompe la vigilance de l’autorité parentale et étatique en manque d’inspiration dans l’action politique et la prise des décisions qui s’imposent face à cette crise de près de trois décennies maintenant. Pourtant, le monde scolaire ne devait pas être en cours de ressources intellectuelles, humaines, politiques, pédagogiques voire morales pour sortir du cercle vicieux dans lequel il reste enfermé depuis l’avènement de l’ère démocratique. Mais, l’expertise manque le moins dans ce milieu, tandis que la médiocrité s’érige en système au grand dam de nos pédagogues et autres psycho-sociologues.
Selon l’opinion publique, l’Histoire retiendra très longtemps dans les archives collectives la première adresse du Président Alpha Oumar Konaré, cet enseignant et fils d’enseignants, qui n’a jamais manqué l’occasion de vanter le cordon naturel qui le lie à ce corps. Si nos souvenirs sont exacts, c’était en 1992, lors de la passation du pouvoir entre le Président de la première transition démocratique malienne, Général ATT, et lui, Professeur Alpha. A l’arrivée d’Alpha aux Affaires, pour ceux-là qui se sentaient persécutés et objet de toutes les moqueries, ce fut un motif d’espoir certain. Un Homme censé être naturellement sensible à leur sort était arrivé à la première loge de l’Etat.
Cependant, même si son Régime a accordé une oreille attentive aux plaintes du corps enseignant dans toutes ses instances, l’impatience ou l’excès des syndicats enseignants ne sont pas restés sans compromettre la qualité d’écoute des Autorités compétentes favorables à un dialogue fécond et frisant même la complaisance devant la loi de manchettes et de gourdins de l’AEEM. Inscrire les revendications dans la durée malgré les premiers acquis corporatistes sera la soumission de tous les Gouvernements de la troisième République face aux exigences des enseignants tout comme des élèves et étudiants. C’est ce qui a rendu de décennie en décennie la crise scolaire malienne gangréneuse et ingérable sous tous les Régimes.
Côté infrastructures, l’héritage de la deuxième République était catastrophique : insuffisance de salles de classe, vétusté de bâtiments et locaux administratifs pour l’école publique, qua inexistence d’écoles privées à l’échelle nationale, les effectifs d’enseignants réduits, modestie à l’extrême des conditions de vie et de travail d’enseignants maliens, etc.
Ce qui amena le Professeur Konaré, pour la seule année scolaire 1997-1998, à inscrire dans plus de 1360 écoles communautaires plus de 83 360 enfants.
En 1996, il a été engagé un vaste programme pour le redressement de la barre. En 1999, pour rehausser le niveau de l’enseignement malien et améliorer les conditions d’enseignement, le Gouvernement, avec l’appui de la Banque Mondiale, a initié le Programme décennal de l’éducation (Prodec). L’objectif est d’offrir un taux brut de scolarisation de 95% à l’école primaire malienne avant 2010. Un projet qui a été poursuivi sous le Général ATT (lui aussi Enseignant avant d’intégrer l’Armée) qui a n’a ménagé aucun effort dans la réalisation d’es infrastructures dans notamment le domaine scolaire.
Sous la IIe République, côté statut social des enseignants, il y a eu trop de motifs de frustrations. Ce qui provoqua des manifestations et de revendications légitimes dont le moindre était le paiement régulier des salaires. Avec des séries inédites de crises, la gestion du dossier ‘‘école malienne’’ est devenue ainsi une des tâches les plus sensibles et extrêmement délicates pour la IIIe République. Sans doute, les incertitudes au lendemain du 26 Mars face à la tempête scolaire sur le front social ont fait le lit de cette crise bien connue qu’il faut monter les enchères et ne pas manquer de résolution pour obtenir tout de l’Etat. Il y a aussi la résurgence de certaines pratiques peu orthodoxes dans la gestion des affaires publiques qu’on avait vite reléguées aux temps et mœurs du Régime du Général Moussa Traoré. Toute chose qui fera que la Révolution aussi est accusée d’avoir aggravé les rancœurs et frustrations sociales qui évincèrent l’UDPM du pouvoir. Mais qu’à cela ne tienne ; car, sous les Régimes d’Alpha et ATT, aucun secteur ne peut sentir la comparaison en termes de réalisations et autres efforts fournis pour la réhabilitation de l’école et l’amélioration du niveau de vie sociale et professionnelle de l’enseignant malien. Malencontreusement, les avancées sur le terrain des droits nouveaux ne purent rendre durables les avantages acquis sous la IIIe République. Surtout, sous IBK, il y a eu une chute de taux en termes du programme décennal de réalisation d’infrastructures à l’échelle nationale. Il y a eu également une baisse de niveau avec la fermeture des classes par les djihadistes et de trop de débrayages à cause des grèves intempestives ou prolongées imposées par les syndicats des enseignants..
Ainsi, la hiérarchisation, qui était une étape dans le cadre des statuts particuliers, déboucha sur des risques de crises et de vives tensions entre l’Etat et le corps enseignants. C’est autour des nouveaux critères liés à la conversion indiciaire des primes de la hiérarchisation.
Si nos souvenirs sont exacts, il est à noter que, depuis l’instauration des statuts particuliers votés par l’Assemblée Nationale sous la législature d’Ali Nouhoun Diallo, il a commencé d’être appliqué au niveau du secondaire des grilles salariales autre que celle arrêtée de façon consensuelle avec les syndicats et le Département de tutelle conduit à l’époque par Younouss Hamey Dicko. Mais, l’entrée en vigueur des textes d’application du statut définissant les primes et indemnités n’a pas été effective sur le terrain. Ce qui faussa le projet de long terme et compliqua davantage le processus dans son ensemble. Et, la suite, on la vit sous chaque Gouvernement. Et c’est de-là que sont parties les revendications socioéconomiques avec des prises de positions extrémistes au sein de certaines sections syndicales des enseignants. Au niveau du secondaire, même les sections très attachées aux vertus du dialogue et du compromis ont désormais des militants dans le mouvement des Signataires du 15 octobre.
Dans le fondamental, le secteur Enseignement technique et le régime de vacatariat, la liste des droits en souffrance semble très longue. Dans ce contexte, on comprend combien que le fameux 1.5 d’autres fois ait provoqué tant de remue-ménages au plan syndical.
Le mal vivre des enseignants est aussi dans le volet pédagogique. Mal équipés et mal documentés, le métier d’enseignant ne nourrit son Homme reste épuisant et moins enchantant Les projections des services compétents du Département de l’Education Nationale d’imprimer de manuels didactiques ne semblent pas avoir été vues d’un bon œil du côté du Budget national.
À leur tour, les effectifs pléthoriques dans les salles de classe, les lacunes et comportements indisciplinés des élèves et étudiants d’aujourd’hui compliquent davantage la crise scolaire déjà profonde. Surtout lorsque la corporation, pour toute revendication sociale, reçoit négativité, coups de gaz de matraques et de gaz lacrymogène.
Les enfants, tels qu’ils se comportent désormais, ont trop souvent été mal encadrés par leurs parents en premier lieu et par l’Etat ensuite et surtout. De nos jours, que peut-on apprendre fièrement de la célèbre colline du savoir d’antan si ce n’est l’art de maniement des manchettes, d’animer des fameuses AG (Assemblées Générales), de se faire élire membre au Bureau de l’AEEM ou de trafic de drogues ou d’influence et de circulation des armes entre les campus ? Certes, il y a des jeunes qui veulent étudier, mais ils ne sont pas en sécurité ni dans les campus ni sur le chemin de l’école.
Par ailleurs, outre cette question de conditions de vie et d’études à proprement parler, l’école malienne est confrontée au manque d’opportunités dans le domaine de l’emploi. Surtout pour les Diplômés sortants des universités et écoles professionnelles de la place. Sur le marché d’emploi, les jeunes en fin d’études et leurs parents ont toutes les peines du monde à se frayer le chemin pour leur insertion dans les entreprises et services privés et publics. Ce qui doit être au centre des nouvelles Autorités de la Transition et des décideurs politiques en charge de la conception des programmes et des réformes dans le système d’enseignement et de suivi des projets. A cet effet, quel avenir pour cette école malienne en perpétuelle crise ?
H.D