Le colonel Assimi Goïta investi Chef de l’Etat : Vers un retour à l’ère des coups d’Etat militaires en Afrique?

Le colonel Assimi Goïta investi Chef de l’Etat : Vers un retour à l’ère des coups d’Etat militaires en Afrique?

14 juin 2021 0 Par Mali Scoop

Pour la prestation de serment effectué par le Colonel Assimi Goïta, qui a pris le pouvoir, le lundi 24 mai dernier, le Centre international de conférences de Bamako (CICB) a abrité une grande cérémonie. C’est pour confirmer la démission forcée du Président de la transition, Bah N’Daw, et de son Premier Ministre Moctar Ouane. Au cœur de la présente cérémonie marquant l’investiture du Colonel Assimi Goïta comme Président de la quatrième transition malienne depuis l’avènement de l’ère démocratique dans les années 1991, il y a eu trois temps forts qui ont marqué l’événement. A savoir, le premier qui s’est déroulé (prestation de serment suivi des beaux discours et décoration et remise d’insignes d’honneur dans la grande salle de conférences du CICB ; le deuxième dans les enceintes dudit centre (revue des troupes) et le troisième à la place de l’Ind2pendance de Bamako-Coura. Dans l’ensemble, la cérémonie a été riche de couleurs.

Encore, le Mali est dans l’ère des coups d’Etat militaires en vogue en Afrique dans les années 70-80. Le coup d’Etat du 24 mai dernier l’atteste. Coup de force soldé par le renversement des Autorités de la transition en place depuis septembre 2020 à la suite du coup d’Etat du 18 août 2020 contre le Régime d’IBK..
A cet effet, le lundi 7 juin 2021, dans la salle des 1000 places de l’imposant Centre international de conférences de Bamako (CICB), s’est déroulée la cérémonie d’investiture du nouveau Président de la transition malienne, Colonel Assimi Maïga, en lieu et place du vieux Officier à la traite, Bah N’Daw, et de son Premier Ministre, Moctar Ouane (succédé lui aussi par Choguel Kokala Maïga, Président du Comité stratégique du M5-rfp).
Au passage, rappelons que la cause immédiate de la prise du pouvoir par Assimi Goïta et ses compagnons d’armes est l’exclusion de deux d’entre eux du Gouvernement de Moctar Ouane II diffusée sur les antennes de l’ORTM (Office de radiodiffusion télévision du Mali).
Ainsi, pour la cérémonie de la prestation de serments d’Assimi Goïta comme nouveau Président de la transition, c’est le CICB qui accueillera, dès les premières heures de ce lundi 7 juin 2021, un public bon enfant venu de tous les horizons de la ville de Bamako et environnants pour assister à la cérémonie.
Placé sous l’égide conjointe des Présidents de la Cour Suprême et de la Cour Constitutionnelle, respectivement Wafi OUAJADEY et Amadou Ousmane Touré ; assistés des Greffiers en chef de leurs institutions et plusieurs autres membres de la grande famille judiciaire malienne. Cela, sans oublier l’épouse du Colonel Assimi Goïta, Mme Goïta née Lalla Diallo, sereinement assise dans le haut du podium, aux côtés de son mari.
Au CICB, plein comme un oeuf, on notait la présence effective du Président du Comité stratégique du M5-rfp, Dr Choguel Kokala Maïga (qui sera nommé juste quelques heures après comme Premier Ministre) ; du Président du Conseil National de la Transition (CNT), Colonel Malik Diaw (membre de la junte) ; des Représentants des Leaders des confessions religieuses, des familles fondatrices de Bamako, des mouvements des femmes et jeunes pro-putschistes, de la classe politique nationale, de la société civile ; des Chefs hiérarchiques de la chaîne de commandement des forces armées et de sécurité et d’une brochette de Représentants des missions diplomatiques et consulaires accréditées au Mali. En substance, précisons que côté Chancelleries occidentales, seule la présence de l’Ambassade de la Russie a été remarquable.
Selon le programme, il y a eu plusieurs discours officiels dont les plus percutants et riches d’avertissement et de mise en garde sans ambages à l’adresse du nouveau Chef d’Exécutif ont été ceux prononcés par les Présidents des deux Cours; le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats ; le Procureur Général de la République et le Colonel aux commandes de la Nation malienne en profonde crise sécuritaire, politique, économique et syndicale.
Après les félicitations d’usage, le Président de la Cour Constitutionnelle, le Magistrat Amadou Ousmane Touré, a appelé solennellement le nouveau Président de la transition de mesurer la portée de sa mission pleine de défis majeurs à relever qui assaillent le Mali. Des défis qui ont pour noms : le respect de la charte de la transition ; l’organisation des élections générales et référendaire à la date fixée par la Communauté internationale ; la lutte contre la corruption et l’insécurité résiduelle ; la libération des 2/3 du pays aux mains des terroristes et bandits armés ; le blocage du processus de l’Accord de paix d’Alger II ; le redécoupage administratif du territoire national ; la pandémie coronavirus avec ses dégâts collatéraux au plan socioéconomique ; les grèves des travailleurs dans presque tous les Départements ministériels et secteurs sociaux formels ; la cherté du coût de la vie (avec la hausse incessante des prix des denrées alimentaires et des produits de première nécessité) ; le chômage des jeunes et le phénomène de migratoire de plus en plus incontrôlables.
Quant au Président de la Cour Constitutionnelle, il axera son réquisitoire sur le côté recevabilité des formalités formulées à l’adresse des neuf Sages de son institution. Formalités liées au constat de la vacance du pouvoir suite à la démission (forcée) de Bah N’Daw avec son Premier Ministre. Après tout un chapelet de considérations dont ont la manie nos Magistrats en pareilles circonstances troubles, le Président de la CC justifie le coup de force et légitime Assimi Goïta dans ses nouvelles fonctions de Chef de l’Etat du Mali.
Ensuite, le Président de la Cour Suprême prend acte de la décision de la Cour Constitutionnelle invitera Assimi au pupitre pour lever la main droite jurer « devant Dieu et devant le Peuple malien » qu’il respectera et fera respecter la Constitution de 1992 en vigueur qui a été pourtant violée à maintes reprises par ces coups d’Etat dont le Mali dispose désormais le record à l’échelle sous-régionale depuis l’avènement de l’ère démocratique.
Ensuite, c’est au tour du Procureur Général de la République près de la Cour Suprême d’insister sur les risques de dérives du pouvoir et ses conséquences désastreuses soldées souvent par des putschs militaires, des soulèvements populaires ou/et par la courroux de Dieu. Il a dénoncé ouvertement les maux comme mauvaise gouvernance, l’injustice et la corruption érigées en système depuis au sommet de l’Etat. Ce qui gangrène et plonge, selon ses propres termes, le Mali dans la crise qu’il traverse actuellement. « Le problème central aujourd’hui au Mali, c’est l’injustice, l’impunité et la corruption, … », s’est-il crié ouvertement.
Dans son discours officiel consacré, le Président Goïta installé finalement dans ses fonctions, a fait des promesses au vaillant Peuple malien : Réduction du train de vie de l’Etat dont les fonds du Budget de la présidence de la République à hauteur des deux tiers ; l’organisation des élections libres et transparentes à la date prévue; une meilleure gouvernance ; une répartition juste des ressources nationales ; l’engagement de son Gouvernement d’ouvrir le dialogue avec tous les partenaires socioéconomiques et les Syndicats et l’assurance faite à la Communauté internationale concernant le respect de la charte de la transition et la mise en œuvre effective de la feuille de route.
Toutefois, si Assimi Goïta s’est engagé à tout mettre en œuvre également pour améliorer les conditions des jeunes et des femmes, par rapport au processus de paix et de sortie définitive du pays de la crise, il n’a rien avancé comme promesses à l’adresse des forces et groupes armés des Régions du Nord et du Centre du pays occupées.
C’est après ce discours solennel que le deuxième Président de la transition a eu droit à tous les honneurs ponctués des décorations et insignes décernées comme à l’accoutumée à toute personnalité politique élevée au rang de Chef de l’Etat (que ça soit par les urnes ou par les armes et presque dans tous les pays africains).
Avant de se rendre, à la Place de l’Indépendance, au quartier de Bamako-Coura, dans la Commune III du District de Bamako, le Président de la transition en tenue de parade militaire et d’une grande fête nationale a procédé une revue des troupes en prestation dans les enceintes du CICB. Au monument de l’Indépendance, Assimi Goïta a eu droit à un bain de foules sans précédent ni dans sa fulgurante carrière militaire ni dans sa vie civile.
A Koulouba, le Président de la transition a nommé son Premier Ministre. Choix porté sur celui qui était déjà pressenti dès après la destitution du Bah N’Daw ; à savoir Dr Choguel Kokala Maïga, Président du Comité stratégique du M5-rfp.
Homme, certes, de riche parcours tant au plan politique qu’administratif ; mais, reste à savoir si Dr Choguel pourra convaincre les Responsables des Groupes armés du Nord puisqu’il avait toujours dénoncé l’esprit de l’Accort de paix d’Alger et s’il pourrait avoir la main libre pour accomplir sa mission.
En outre, avec l’annonce faite, ce jeudi 10 juin, par le Président Macron du retrait de la BARKHANE du Nord du pays confronté au terrorisme avec des velléités du MNLA de reprendre les armes, tout risque de devenir incertain pour le processus de sortie de crise tant espéré par le Peuple malien.
Dans ce contexte, le Colonel Goïta lui-même réussira-t-il à conduire cette transition à bon port avec cette rupture de coopération militaire de taille envisagée par Paris ? Seul l’avenir nous édifiera !
A.D