Transition au Mali : Trois Présidents pour une République pauvre et aussi surendettée

Transition au Mali : Trois Présidents pour une République pauvre et aussi surendettée

30 octobre 2020 0 Par Mali Scoop

La mise en place du conseil national de la transition est attendue. Cet organe aura les mêmes prérogatives que l’Assemblée Nationale pendant les 18 mois de la deuxième période transitoire politique de notre pays depuis l’avènement de son ère démocratique. Cet organe de plus avec aux commandes un Président avec des prérogatives et privilèges supplémentaires inévitablement faramineux sur l’ardoise budgétaire de la Transition. Ainsi, le Mali aura trois Présidents à sa tête avec des pouvoirs et charges couteux ; des prérogatives frisant à bien d’égards des conflits de compétences trop budgétivores pour les caisses de l’Etat.

Les militaires ont-ils oublié que le rôle prépondérant doit se faire savoir sur le front et non dans les Bureaux climatisés ou salons feutrés de Bamako avec des titres pompeux ? C’est cette question qui taraude les esprits vu la persistance de la crise intercommunautaire dans les Régions du Centre du pays. Une question tout à fait légitime avec le statuquo qui prévaut sur le front antiterroriste depuis le départ forcé d’IBK suite à l’arrivée fracassante et massive des militaires à la tête du pays.
Finalement, le titre de Président au Mali est la chose la plus enviée et dont chacun veut en avoir le privilège de porter. Avec cette allure où vont les choses au tour cette friandise de titres de Président, à la fin de la transition, le seul acquis réel qui sera présenté aux futures Générations serait peut-être que le Mali, à l’issue des dix-huit mois de sa deuxième transition démocratique, a connu trois Présidents. Sans faire allusion à la fable de la Fontaine, où deux voleurs se battaient pour un âne volé. Pendant ce temps-là, un troisième larron est venu prendre ce même âne au détriment des deux premiers voleurs. Donc, au finish, les principaux perdants sont eux qui se battaient pour leur butin. Au lieu de faire le consensus pour se départager, ils ont opté pour la violence et ont tous deux perdu l’âne. En temps normal même avec un seul Président de la République, les caisses de l’Etat sentent la lourdeur des charges financières de ce dernier et avec trois Présidents c’est l’agonie du Trésor public qui devient irrémédiable.
Après la guerre des titans contre l’ancien Président IBK, ce fut à la «place au partage de gâteau » entre les vainqueurs. Mais comme à l’accoutumée, ce genre de partage n’est pas une chose facile ; car, ça crée des frustrations et des mécontents. La ruse devient le maitre mo qui domine toute la partie. Pour commencer ce partage, les civils de premier bord ont été systématiquement écartés de la course au profit des seuls militaires et leurs parents ou complices. Alors que dans une histoire de militaire, la délicatesse est omniprésente. Avec le coup d’Etat qui ne dit pas son nom, le poste de Président devient la chose la plus recherchée par les militaires, même un rêve. Dans cette quête, pour éviter que les armes ne crépitent dans la capitale, ils se créent des postes fantaisistes de Présidents au-delà de celui qui devait l’être pour permettre au Mali d’être appelé Etat.

Trois Présidents pour une République aussi pauvre et endetté comme la nôtre, le Mali ?

Le Président de la République qui est une Institution à part entière (la Première en l’occurrence), le Vice-président, assoiffé d’être juste à côté du Président (donc un Décret présidentiel vient de lui donner âme et corps pour sucer le reste des ressources financières de l’Etat) et, en troisième lieu, le Président du Conseil National de la Transition.

Tout ça pour ça?
« Tout ça pour quel résultat et à quel prix? », s’exclame un citoyen pour qui d’ailleurs cette architecture pléthorique et couteuse pour le contribuable malien n’est qu’un complot déguisé par les militaires pour s’accaparer définitivement du Pouvoir. Dans cette cohabitation tripartite, un seul a véritablement gagné, celui qui deviendra Président du Conseil National de la Transition. Lors du coup d’Etat du 18 août dernier, il y a au moins quatre Colonels qui ont fait sortie leurs têtes devant le Peuple malien comme libérateurs. De ces quatre, trois sont les plus figurants : le Colonel Assimi Goïta, actuellement Vice-président de la Transition ; le Colonel Ismaël Wagué, Ministre de la Réconciliation Nationale et enfin le Colonel Malick Diaw. Mais, ce dernier n’a pas encore eu de poste officiel à occuper. Pendant que les deux premiers sont en bonne posture, le troisième est en bonne position pour devenir Président de son côté et avec les prérogatives qui vont avec son poste.

Malick Diaw dans l’optique de devenir Président du Comité national de transition
« Comme l’autre est devenu Président pourquoi pas moi », tel pourrait être l’état d’esprit de Malick Diaw. Personne ou presque n’a vu cette architecture préparée par les militaires dès le départ de la transition. Les trois Colonels ont savamment organisé la répartition du Pouvoir entre eux et les proches militaires comme l’exemple des Colonels qui sont à la Défense et à l’Administration Territoriale. Tellement qu’ils sont attachés au Pouvoir, ces Colonels tiennent à s’éterniser à la notion de titres et postes et veulent passer par une voie circonstancielle. Par exemple, le Vice-président était dans la position de remplacer le Président de la Transition en cas de vacance de pouvoir. Ce sont la CEDEAO et le M5-RFP qui ont monté au créneau pour barrer la route à une telle éventualité. Ismaël Wagué, quant à lui, il est imposé au Ministère de la Réconciliation Nationale et de la Cohésion Sociale. Avec cet emplacement des deux premiers et leurs amis, le Peuple pense que désormais les militaires putschistes ne peuvent plus s’accaparer du pouvoir. Mais ces militaires sont assez prévisibles et prévenants. Comme en combat, ils se sont fait un ‘’réserviste ‘’ qui peut intervenir à tout moment pourvu que les autres camarades aient besoin de lui. Ainsi, Malick Diaw est en position pour devenir Président du Conseil National de la Transition, l’équivalent du Président de l’Assemblée Nationale. Dans l’esprit de la Constitution, c’est ce dernier qui peut remplacer le Président en cas de vacance de pouvoir et, dans la charte, il n’en demeure pas moins qu’il peut l’advenir.
Avec ce schéma, les militaires ont été très trop gourmands pour se mettre à l’affut du pouvoir avec intelligence et ruse.
B.M