Hôpitaux publics au Mali : Les couloirs de la mort !
2 novembre 2022Perdre la vie dans un hôpital, cela peut arriver à tout moment. Mais lorsque la mort est causée par l’action ou plutôt l’inaction conjuguée du personnel hospitalier et des pouvoirs publics, il y a problème.
Le droit n’est toujours pas respecté dans les hôpitaux maliens, ce qui ressort des constats que nous venons de faire sur le terrain. Les difficultés constatées ici et là dans les hôpitaux alimentent le débat sur le problème d’accès aux soins et de la prise en charge des patients dans les hôpitaux publics du pays.
L’on ne cesse de dénoncer ce qui se passe dans les structures hospitalières maliennes : affairisme, vol et revente de médicaments, laxisme, corruption et surtout volonté manifeste de certains personnels de santé de déroger aux règles élémentaires afférentes au respect et à la protection de la dignité de la personne humaine.
Des plaintes à n’en pas finir. « Cela fait trois jours que ma sœur est hospitalisée au service des urgences. Et depuis notre arrivée, elle n’a reçu aucun véritable soin. Les médecins ne font que nous remettre des ordonnances et disent attendre les résultats des examens. Pendant ce temps, l’état de santé de ma sœur ne fait que se dégrader », nous dit Adama Sanogo, un parent de malade avec qui nous avons échangé, au CHU Gabriel Touré. « Vraiment, Il y a trop de négligence dans nos hôpitaux publics, surtout les CHU et CSREF.»
« Dans nos hôpitaux publics, l’accueil n’est pas bon. S’orienter est très difficile. Parfois, ce sont les vigiles censés veiller sur la sécurité qui nous aident. Et lorsque votre parent est hospitalisé, il faut à chaque fois supplier les médecins ou les infirmiers pour qu’ils viennent s’occuper de votre malade », nous dit Aicha Bouaré, parent d’un malade hospitalisé au CSREF de la commune I.
Cette négligence vis-à-vis des malades par les agents de santé s’est matérialisée par une scène qui s’est produite récemment dans un hôpital de la place où une infirmière a été giflée par un parent de malade, parce qu’elle jouait avec son téléphone, pendant que son patient faisait des convulsions.
Violences verbale et physique dans les maternités
Au-delà de l’indifférence ou du mépris, il y a parfois la violence, celle des mots (insultes, injonctions) ou des gestes. Ce sont les maternités qui, partout, en sont les lieux privilégiés.
Face aux plaintes formulées à leur encontre, des agents de santé répliquent. « Les parents de malades sont libres de dire ce qu’ils veulent. Nous n’avons rien à nous reprocher. Dieu seul connaît les sacrifices que nous consentons au quotidien », nous dit un médecin au CSCOM de Boulkassoumbougou. « Nous sommes en nombre insuffisant par rapport au nombre de malades. Et également confrontés à un manque de matériels. Dans ces conditions, que pouvons-nous faire », s’interroge une infirmière.
Selon Dr M.B, un chef de service à l’hôpital du Mali, le personnel médical fournirait assez d’efforts. « Beaucoup de malades viennent dans les hôpitaux tardivement et dans des états très critiques. Mais les agents de santé font tout leur possible pour sauver ces vies », dit-il.
Outre les négligences, il faudrait aussi évoquer l’incompétence, le manque de conscience professionnelle et de déontologie. On devrait rappeler tous les jours aux médecins le serment qu’ils ont prêté, et même leur faire une explication de texte ! Et un certain affairisme qui pousse les médecins du secteur public à préférer se faire de « l’argent de poche » dans les cliniques privées (quand ils ne sont pas eux-mêmes propriétaires d’une telle clinique) et le petit personnel à voler les médicaments des malades pour les revendre à la sauvette dans les couloirs.
Bref, tout cela est scandaleux, et malgré les nombreuses constructions et réhabilitations d’établissements de santé qu’on annonce à grand renfort, le système de santé malien ne fonctionne pas bien du tout. On est incapable de faire des diagnostics fiables.
Les protocoles opératoires ne sont pas respectés, il faut payer le moindre bout de sparadrap et on fait souvent des opérations qui entraînent des complications infectieuses à n’en plus finir, avec à la clé une débauche d’antibiotiques qui fait le bonheur des pharmaciens et le lit des bactéries résistantes.
Les hôpitaux nationaux sont-ils à fuir ?
Une question nous vient à l’esprit : que peut faire un médecin ou un agent de santé lorsque le plateau technique de l’établissement sanitaire dans lequel il exerce est totalement défaillant ? Ou lorsque les médicaments nécessaires aux soins les plus élémentaires sont inexistants ?
A côté des manquements des personnels hospitaliers, il y a ceux des autorités étatiques qui veulent obtenir des résultats satisfaisants sans y mettre les moyens. Les personnels de santé bien entendu ne travaillent qu’avec ce qu’ils ont. Ici c’est au gouvernement de prendre ses responsabilités afin de les mettre dans les meilleures conditions de travail. Rien n’est fait pour la mise en œuvre de textes juridiques efficaces et durables ayant trait à la pratique médicale.
Le Point